Etude de l'impact psychologique de l'estime de soi, et l'image de soi sur la qualité de vie des femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques et exploration du vécu subjectif de la maladie.

Le SOPK – syndrome des ovaires polykystiques, est une pathologie mal et peu connue, qui touche les femmes dès l’adolescence. Pourtant, elle est la pathologie endocrinienne que l’on retrouve le plus fréquemment chez les femmes en âge de procréer (Lizneva et al., 2016) et la première cause d’infertilité par anovulation. Nous parlons aujourd’hui d’une prévalence 5 à 20 % (Simon & Peigne, 2021).

Définir le SOPK – syndrome des ovaires polykystiques n’est pas simple et intègre une dimension aussi bien physique que psychologique. Il s’agit d’un dérèglement hormonal mis en évidence par Stein et Lenventhal en 1935. Sa physiopathologie, source de débat, ne fait toujours pas consensus (Abbott et al., 2019). Il est cependant reconnu que le SOPK entraine une production excessive d’androgènes et de testostérone, habituellement produites en petite quantité dans l’organisme féminin et dont l’hyperandrogénisme et l’insulino-résistance seraient des facteurs déterminants (Cardozo et al., 2011). Les diagnostics sont le plus souvent tardifs (environ 70 % des cas) selon Lizneva et al. (2016). Malgré le consensus de Rotterdam en 2013, établissant les critères diagnostics, ils sont encore discutés à ce jour, conduisant à une grande hétérogénéité du tableau clinique et des critères diagnostics de la pathologie (Azziz & Adashi, 2016). Les symptômes somatiques sont nombreux et parfois invalidants. Ils se manifestent sous la forme de règles irrégulières, d’aménorrhée, d’anovulation, d’hirsutisme, d’acné, de taches brunes sur la peau, de prise de poids (avec des problématiques d’obésité massive), de problèmes de fertilité, de risques accrus de développer un diabète de type II et d’augmentation du risque de maladie cardio-vasculaire (Amiri et al., 2019).

Selon Himelein et Thatcher (2006), le SOPK – syndrome des ovaires polykystiques, serait également associé à plusieurs problèmes de santé mentale. D’autres études confirment que les femmes atteintes du SOPK seraient plus exposées aux troubles psychologiques tels que la dépression (Deeks et al., 2010), le stress (Stefanaki et al., 2015), l’anxiété (Sanchez, 2020), les troubles du comportement alimentaire (TCA) (Dokras et al., 2018) et un dysfonctionnement psychosexuel (Deeks et al., 2010). La dépression serait présente dans 62,4 % des cas diagnostiqués de SOPK (Bazarganipour, 2015), avec un risque multiplié par cinq pour les patientes en situation d’obésité (Cwikel et al., 2004). Le psychisme joue donc un rôle essentiel dans cette maladie, dans laquelle les symptômes précités sont des facteurs aggravants (Chaudhari et al., 2018). La détresse psychologique serait également associée significativement au nombre de signes cliniques rapportés par les patientes (Zangeneh et al., 2012).

La littérature est riche de recherches sur la détresse psychologique des femmes ayant un SOPK, mais elles sont en grande majorité étudiées au travers du prisme de la dépression. En revanche, peu d’études explorent les liens entre des symptômes reconnus majeurs (tels que l’hirsutisme, l’obésité, l’aménorrhée, l’infertilité…) et des dimensions psychologiques telles que l’image corporelle, l’estime de soi et la qualité de vie des patientes (Amiri et al., 2019) (Deeks et al., 2010) (Hahn et al., 2005) (Himelein & Thatcher, 2006). Il est pourtant reconnu que ces composantes ont une influence sur l’état psychologique des sujets souffrant de maladies chroniques (Beaubrun en famille Diant et al., 2018). Les études sont spécifiques à chaque domaine d’investigation, sans liens corrélationnels.

De plus, les ressentis et les affects des patientes ne sont abordés que par très peu d’études qualitatives dont une seule française, celle de Authier et al. (2020), s’intéressant au cas de l’infertilité à travers les forums de discussion sur le web. L’estime de soi, l’image corporelle et la qualité de vie, nous ont semblé être des éléments déterminants de l’état psychique et de la santé des patientes. Le manque de données qualitatives sur le sujet a suscité notre intérêt. Il nous a paru approprié de nous intéresser aussi aux perceptions et aux affects des patientes, qui nous semblent être les premiers éléments de réponse à explorer pour comprendre cette maladie et son impact psychologique.

La particularité de l'infertilité dans le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) :

L’infertilité est un facteur prépondérant de détresse et les problèmes de conceptions sont source de stress et d’angoisse pour les femmes (Tan et al., 2008). Elles peuvent en effet se sentir marginalisées et en détresse. Au-delà du désir personnel non comblé de maternité, les représentations sociétales et culturelles peuvent représenter une pression, imposant que les femmes s’accompliraient au travers de leur maternité et de leur capacité de procréation (Amiri et al., 2019) (Amiri et al., 2014). Ces représentations peuvent également être perçues comme un devoir pour certaines femmes. Ne pas accéder à la maternité représente alors un échec personnel et vient majorer la détresse psychologique (Authier et al., 2020). Il existe aussi un risque de fausse couche plus élevé chez les femmes souffrant de SOPK. Pour Ruffle et al., (2005), ce risque est compris entre 42 et 73%, avec aussi un risque de fausse couche à répétition (+ de 3). Le vécu d’une fausse couche représente un stress significatif et une détresse intense (Simon & Peigne, 2021).

Les objectifs de la recherche sur le SOPK :

 Au vu de ces éléments, il nous a paru intéressant d’investiguer un double objectif :
- Un premier, pour examiner les liens existants entre l’image du corps et l’estime de soi et la qualité de vie, en prenant en considération les répercussions psychologiques de l’infertilité.
- Un second, pour explorer le vécu subjectif et les perceptions des femmes souffrant du syndrome des ovaires polykystiques.

Résultats et discussion :

L’objectif de notre étude était double.
Le premier était d’investiguer les liens existants entre l’image du corps, l’estime de soi et la qualité de vie, en prenant en considération les répercussions psychologiques de l’infertilité. Notre second objectif était d’explorer le vécu subjectif et les perceptions des femmes souffrant du SOPK – syndrome des ovaires polykystiques.
Nous avons fixé ces deux objectifs dans le but de fournir des clés de compréhension complémentaires et d’éclairer de façon plus qualitative le vécu de la pathologie. Ceci dans le but de permettre une prise de conscience de l’étendue des répercussions complexes et diversifiées des symptômes du SOPK et d’adapter la prise en charge des patientes. Il nous paraissait important d’étudier le phénomène au travers d’une triangulation méthodologique associant des résultats quantitatifs et qualitatifs, afin d’offrir une interprétation plus fine.

Notre étude a rassemblé 703 participantes

Hypothèse 1 :

Notre première hypothèse consistait à vérifier l’effet prédicteur de l’image de soi et de l’estime de soi sur la qualité de vie des femmes ayant un SOPK. Elle s’est vérifiée. Nous avons obtenu dans un premier temps des résultats significatifs, avec des scores forts à l’échelle de l’image de soi (BIS) et faibles à l’échelle de l’estime de soi (RSES) associés à des scores faibles à l’échelle de qualité de vie (PCOSQm). Nous avons ensuite procédé à des régressions linéaires qui ont montré que des scores forts à l’échelle de l’image de soi (BIS) et faibles à l’échelle de l’estime de soi (RSES) déterminaient des scores faibles à l’échelle de qualité de vie (PCOSQm). Nous avons donc pu conclure que pour notre étude, le niveau d’estime de soi et d’image de soi sont des prédicteurs du niveau de la qualité de vie chez les femmes de l’étude.

Ces résultats viennent apporter des données complémentaires à celles de la littérature. En effets, dans les différentes études recensées, le syndrome des ovaires polykystiques était corrélé à des atteintes de l’estime de soi, de la satisfaction corporelle et de la qualité de vie, sans que les liens entre ces variables ne soient investigués. Nos résultats indiquent que le SOPK – syndrome des ovaires polykystiques influence la qualité de vie, l’estime de soi et l’image de soi des patientes, et que les niveaux d’estime de soi et d’image de soi (satisfaction corporelle) déterminent le niveau de qualité de vie. Le choix des outils vient appuyer nos résultats et confirme le lien entre les répercussions physiques et psychiques spécifiques au syndrome. 

Hypothèse 2 :

Notre seconde hypothèse consistait à vérifier que les perceptions du vécu de la maladie des femmes de notre échantillon, étaient en lien avec des dimensions relatives aux émotions, aux problématiques corporelles et à l’infertilité et qu’elles avaient une valence négative. Notre hypothèse n’a été que partiellement confirmée.
En effet, après différentes analyses de contenus lexicométriques, nous avons pu voir que les perceptions du vécu subjectif de la maladie des femmes de notre étude, étaient associées principalement aux problématiques corporelles et aux problématiques psychologiques (en lien avec la détresse émotionnelle). En revanche, l’infertilité n’est pas apparue comme une dimension spécifique mais comme associée à la dimension des problématiques psychologiques. Le mot « infertilité » correspondant au rang 5 des occurrences les plus fortes du corpus, ce qui met en avant son importance et son impact dans le ressenti et le vécu du syndrome par les femmes de l’échantillon. Le vécu subjectif de la maladie est associé en majorité à des perceptions de souffrances corporelles et psychiques.
Ces résultats exploratoires n’ont à notre connaissance jamais été réalisés en France. Ils nous permettent d’obtenir de nouveaux éléments de compréhension sur le vécu de la maladie, la force et la direction des affects perçus par les femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques. Il est intéressant d’éclairer par ces données, les prises en soin notamment psychologiques. Les dimensions des problématiques psychologiques (orientées vers les émotions et les sentiments) et des problématiques corporelles sont dépendantes dans notre analyse, ce qui rejoint l’étude de Zangeneh et al., (2012), mettant en avant que la symptomatologie corporelle du SOPK et sa fréquence étaient corrélées à la détresse émotionnelle et psychologique des femmes. .
Nos résultats apparaissent complémentaires et concordants avec d’autres études expliquant que les femmes ayant un SOPK seraient plus exposées aux troubles psychiques et émotionnels, tels que la dépression, l’anxiété, le stress, et d’autres problèmes de santé mentale. L’obésité et l’hirsutisme sont fortement distingués dans les fréquences de mots, et sont associés structurellement à la détresse émotionnelle, ce que nous pouvons rattacher à l’étude de Wikel dans laquelle l’obésité était corrélée à des scores importants de dépression et de détresse psychique. Cependant, la dimension de l’infertilité n’a pas été dégagée spécifiquement, comme nous l’avions supposé, mais nos résultats restent concordants avec la littérature. L’infertilité présentée dans notre revue de littérature comme un facteur spécifique pesant et douloureux (Authier et al., 2020; Zangeneh et al., 2012), correspond à nos données. Les formes et mots concernant l’infertilité ont été en faveur d’une association avec la dimension des problématiques psychologiques et ont montré un impact important sur la sphère émotionnelle.

Hypothèse 3 :

Notre troisième hypothèse consistait à vérifier statistiquement si la situation d’infertilité pour les femmes concernées déterminait une plus faible satisfaction corporelle (image de soi), estime de soi et qualité de vie que chez les autres participantes de l’étude, et si elle était en lien avec des perceptions subjectives du vécu de la maladie négatives centrées sur les émotions. Cette hypothèse n’a été que partiellement vérifiée. En effet, la situation d’infertilité pour notre échantillon n’a montré de corrélation qu’avec le niveau de qualité de vie (PCOSQm) et le niveau d’estime de soi (RSES). Elle n’a pas montré de lien avec les scores obtenus à l’échelle de l’image de soi (BIS). Les résultats ont montré que l’infertilité était un prédicteur du niveau de qualité de vie seulement, mais ces résultats sont à nuancer car sa part de variance était relativement faible (6%). Ces données ne vont pas dans le sens de la littérature en ce qui concerne la satisfaction corporelle. En effet, la littérature établit que l’infertilité chez les femmes souffrant d’un SOPK serait un vecteur important d’insatisfaction corporelle (Authier et al., 2020; Bazarganipour, 2015). En revanche, les résultats vont dans le sens d’une baisse de l’estime de soi en lien avec l’infertilité, comme démontré par certains auteurs (Bazarganipour, 2015; Sanchez, 2020). Si l’effet prédicteur n’a pas été vérifié, nous pouvons rappeler que la moyenne des scores de l’échantillon concernant l’estime de soi correspond à une estime de soi faible, voire très faible (M=25,5). L’impact négatif sur la qualité de vie recensé par les études comme celle d’Amiri et al. (2014) ou encore celle de Simon & Peigne (2021) se vérifie pour notre échantillon, et est appuyé par les résultats qualitatifs. La littérature présente des données en faveur d’une atteinte de l’infertilité sur la qualité de vie (Amiri et al., 2019; Authier et al., 2020; Nasiri Amiri et al., 2014; Tan et al., 2008). La corrélation était significative, l’effet prédicteur également mais il convient de considérer ces résultats avec prudence en raison de la faible part explicative. La seconde partie de notre hypothèse concernant les perceptions des participantes à mis en évidence que ces dernières sont bien centrées sur les émotions (et sentiments) et qu’elles sont liées à de la souffrance. Les formes observées sont en faveur de perceptions plus négatives et plus impactantes que dans les analyses précédentes, ce qui démontre que l’infertilité renforce la détresse psychologique dans la sphère émotionnelle pour les femmes de notre échantillon. Ces perceptions majorent l’impact psychologique perçu. Nos résultats semblent s’accorder avec la littérature. Tan et al. (2008), associent l’infertilité à un accroissement des angoisses et de la détresse émotionnelle, conduisant à des troubles psychologiques. D’autres études le confirment (Authier et al., 2020; Bazarganipour, 2015; Nasiri Amiri et al., 2014). Nos résultats indiquent que l’infertilité est un symptôme représentant un facteur de risques important de détresse psychologique.

Résumé des résultats :

Nos résultats ont mis en évidence les liens déterminants entre l’estime de soi et la satisfaction corporelle sur la qualité de vie des femmes ayant un SOPK – syndrome des ovaires polykystiques. Ils ont aussi montré que les perceptions subjectives du vécu de la maladie sont liées principalement aux problématiques corporelles et aux problématiques psychologiques de détresse émotionnelle. La majorité des perceptions sont associées à des souffrances physique et psychologique. La situation d’infertilité est un facteur majorant la détresse émotionnelle, déterminant une qualité de vie plus faible et associée à une estime de soi plus faible. Nous pouvons relever avec l’ensemble des analyses qualitatives menées, que pour le vécu global de la maladie, ce sont les répercussions physiques qui sont les plus représentées alors que pour le vécu de l’infertilité, ce sont les répercussions psychologiques qui sont les plus représentées.

Conclusion :

Cette recherche a permis d’en apprendre davantage sur les liens existants entre la satisfaction corporelle (image de soi), l’estime de soi et la qualité de vie des femmes ayant un SOPK – syndrome des ovaires polykystiques. Ainsi que sur le vécu subjectif de leur pathologie. Ce sujet est encore mal connu, parfois ignoré, alors que les souffrances physiques et psychiques des sujets sont importantes et interdépendantes.
Au-delà des difficultés actuelles de diagnostic, la prise en soin des symptômes complexes reste insuffisante et trop spécifique. Pourtant, les aspects de la maladie impactent fortement le quotidien des femmes. Les dimensions psychologiques s’en trouvent affectées. Il était donc primordial de s’attarder sur ce sujet et de mettre à l’épreuve d’une étude statistique les éléments déterminants de nos hypothèses. Cela paraissait indispensable en vue d’améliorer la compréhension des retentissements du syndrome et permettre d’améliorer leur prise en soin.
Il a été remarquable de voir que cette étude rassemble le nombre le plus conséquent de participantes concernant une étude scientifique portant sur le SOPK. Les nombreux messages reçus sur l’adresse de contact ainsi que les remerciements formulés pour avoir porté un intérêt scientifique à la détresse des femmes ayant un SOPK, nous a montrer tout l’importance de considérer la qualité de vie dans des maladies chroniques, au caractères invisibles, complexe et mal connu. Le Sopk est une maladie complexe aux symptômes cliniques variés et parfois invalidant qui majore la détresse émotionnelle des femmes.
Cette recherche nous a permis d’obtenir des clés de compréhension complémentaires en utilisant des méthodes scientifiques différentes. Elle a permis de mettre en évidence l’effet prédicteur de l’estime de soi et de la satisfaction corporelle sur la qualité de vie des participantes de notre étude. Ainsi que d’explorer leurs perceptions subjectives du vécu de la maladie, principalement associées aux problématiques psychologiques émotionnelles et aux problématiques corporelles. Nous avons pu observer qu’au-delà des symptômes physiques et psychologiques qui se manifestent, les atteintes liées au SOPK – syndrome des ovaires polykystiques sont aussi identitaires.
Nous avons aussi pu soulever des réflexions et une démarche pour former et informer les différents professionnels de santé sur le syndrome et notamment sur l’accompagnement physique et psychologique en situation d’infertilité et de prise en charge PMA. Ce travail fera l’objet de publications ultérieures en vue d’améliorer la prise en soin psychologique des femmes ayant un SOPK.
Un accompagnement psychologique de qualité semble être un déterminant essentiel du vécu de la maladie, et du niveau de qualité de vie pour les femmes ayant un SOPK.

---> Si vous souhaitez lire l’intégralité de l’étude n’hésitez pas à me contacter.

TOUS DROITS RESERVES NOGUE MARLENE 2023

Remerciements :
Nous remercions chaleureusement les différentes associations qui nous ont permis de diffuser le questionnaire ayant permis de réaliser cette étude et nous remercions toutes les participantes à l’étude qui ont permettre sa réalisations et l’obtention de résultats fiables scientifiquement.

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